Luna – tome 1 : Nouvelle Lune – Ian McDonald

luna ian mcdonald denoel lunes d'encreVu comme j’avais aimé les derniers McDonald que j’avais lu, c’est peu de choses de dire que j’attendais  l’auteur dans le premier tome d’une trilogie qui se déroule… sur la Lune.

Résumé

(source éditeur)

2110.
Sur une Lune où tout se vend, où tout s’achète, jusqu’aux sels minéraux contenus dans votre urine, et où la mort peut survenir à peu près à n’importe quel moment, Adrianna Corta est la dirigeante du plus récent des cinq «Dragons», ces familles à couteaux tirés qui règnent sur les colonies lunaires. Elle doit l’ascension météoritique de son organisation au commerce de l’Hélium-3. Mais Corta-Hélio possède de nombreux ennemis, et si Adrianna, au crépuscule de sa vie, veut léguer quelque chose à ses cinq enfants, il lui faudra se battre, et en retour ils devront se battre pour elle…
Car sur la Lune, ce nouveau Far West en pleine ruée vers l’or, tous les coups sont permis.

Développé en série télé par CBS, souvent comparé à Game of Thrones à cause de la brutalité de ses intrigues, récompensé par le Gaylactic Spectrum Award 2016, Luna est le premier volume d’une trilogie.

L’Auteur

(source éditeur)

Ian McDonald est né en 1960, à Manchester. C’est l’un des auteurs de science-fiction les plus talentueux et les plus récompensés. Il est notamment connu pour son roman Le fleuve des dieux qui a reçu de nombreux prix. Ian McDonald vit à Belfast avec sa femme.

Mon avis

Un Game of Thrones dans l’espace (l’auteur parle lui-même d’un Game of Domes !), un Dallas futuriste, autant de comparaison qui ont lieu d’être avec le nouvel opus de Ian McDonald.

Luna, premier volume d’un diptyque devenu trilogie, est un roman foisonnant qui conte l’ascension de la famille Corta au milieu des cartels qui se sont appropriés les richesses lunaires pour les exporter vers une Terre dépendante. Le récit alterne entre le présent, où la « Dynastie » des nantis vit dans l’opulence générée par l’exploitation de l’Hélium-3 qu’elle extrait. On y rencontrera le fils héritier jaloux et sanguin, le cadet calculateur, la fille qui s’est émancipée de la famille pour régner sur  les prétoires, encore un fils violent et habitué à la surface lunaire, et un autre qui voit son humeur changer selon les phases de la… Terre, tel un lycanthrope inversé. Et bien sûr les luttes d’influence, manipulations, calculs, alliances secrètes, mariages inter-familiaux pour renforcer les alliances à la mode féodale (dans lesquels l’amour ou l’affection joue souvent peu voire pas).

Mais aussi une galaxie de personnages, entre les conjoints, ex-époux, mères porteuses, servants, domestiques, ouvriers, et bien sûr les autres familles qui conservent chacun jalousement et souvent violemment leur monopole. Pas de loi sur la Lune, mais des contrats juridiques, et des différends parfois soldés par des combats au couteau (ou de façon moins officieuse, par des « accidents » à la surface).

Le dramatis personae en tête d’ouvrage fait un peu peur par l’abondance des noms, et les premiers chapitres sont un peu compliqués, McDonald comme à son habitude alternant les points de vue sans forcément en donner instantanément les clés (mais c’est un auteur un poil exigeant qui se mérite). Il n’empêche que le récit reste fluide et aborde, autre habitude de l’auteur, une multitude de thèmes que d’autres auraient dilués sur plusieurs romans et qu’il est bien difficile de lister ici.

Par les flashbacks liés à la matriarche des Corta, c’est l’histoire de la colonisation lunaire et de la mise en place des grandes familles (les Cinq Dragons) multi-culturelles qui sont évoquées (McDonald nous évite majoritairement les récits « anglosaxonement-centrés », saupoudrant son texte de termes portugais, africains ou asiatiques par exemple), mais aussi celle de l’exil, de l’abandon de la planète bleue et de ses douceurs, la musique, les plages ou encore le simple goût du café. Un aller sans retour puisque les organismes changent et empêchent au bout d’un moment tout espoir de retour. Repartir vivre une vie banale voire pauvre au Brésil, ou créer son empire sur un terrain vierge, quitte à sacrifier famille, souvenirs, et amour ? Adrianna Corta, elle, a choisi l’aller simple, soutenue par une volonté de fer.

Pour ceux nés sur la Lune, les générations suivantes, pas de choix possible par contre que d’y rester et de s’y maintenir, leur organisme ayant été développé en faible gravité. Encore faut-il être capable de payer les ressources de bases, gérées par un implant qui pilote les Quatre Fondamentaux (oxygène, eau, carbone et réseau). Et par un système qui recycle tout, de l’urine à la rognure d’ongle ou au cadavre complet. Pas de gâchis, pas de déchet, tout est ressource qui se monnaie.

Le personnage de Marina, qui passe de la pauvreté aux coulisses du pouvoir, nous permet de découvrir l’envers du décor et les secrets cachés des uns et des autres. Foisonnant, abordant aussi bien l’humanité que ses évolutions sociétales ici réinventées en vase clos, avec des contrats de mariage permettant ou pas la fidélité, la garde des enfants, le fait de les porter ou pas, d’être d’un genre ou d’un autre – ou pas, cette Lune peuplée de près de deux millions d’habitants est un laboratoire rêvé pour que McDonald laisse livre cours à ses idées que l’on sait pléthoriques et pertinentes.

Seul petit bémol, je n’ai pas été aussi scotché par ma lecture que je l’avais été par le Fleuve des Dieux ou par La Petite Déesse (vous avez lu  La Petite Déesse ? Lisez  La Petite Déesse !), levant alors la tête du livre, époustouflé par le fait que c’était remarquablement novateur et bien écrit.

Ne boudons pas notre plaisir, on est ici dans le haut du panier et l’abondance de thèmes, de personnages, des inventions, ainsi que la maîtrise de l’écriture – tel ce dernier long chapitre qui détruit savamment tout ce qui avait été mis en place précédemment et place le lecteur face à un cliffhanger aussi brutal, surprenant que frustrant – fait que Luna est plus que recommandable, tout simplement l’une des sorties les plus marquantes de l’année, mais comment s’en étonner quand on connait et apprécie l’auteur ? Les suites semblent prévues pour 2018 en V.F., c’est peu de dire que l’attente va être longue.

D’autres avis : AlbédoAu Pays des Cave Trolls – La Bibliothèque d’Aelinel – Blog-o-livre – Le Culte d’ApophisLecture42Les Lectures du Maki – Lorhkan – Quoi de Neuf sur ma PileSur mes BrizéesLes Notes d’Anouchka – …

Une troisième lecture pour le  Challenge Lunes d’Encre  !

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43 commentaires

  1. Je trouve ta critique vraiment très bonne, car contrairement à certains d’entre nous, tu as lu du McDonald avant Luna, ce qui fait que tu établis une mise en perspective par rapport au reste de son oeuvre tout à fait intéressante et instructive.

    Il se trouve que j’ai un trou dans mon programme de lecture (je suis allé beaucoup plus vite que prévu sur 2 des 3 derniers romans), et que La petite déesse pourrait le combler –> question : faut-il avoir lu Le fleuve des dieux avant ou peut-on lire La petite déesse de façon indépendante ? Merci d’avance !

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    • Merci pour le compliment 😉

      J’ai lu La Petite Déesse sans avoir lu Le Fleuve des Dieux et ça ne m’a pas gêné, c’est même un avant-goût intéressant avant de se lancer dans le pavé, en plus ce sont des nouvelles relativement indépendantes. Donc fonce !

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  2. J’avais tenté de lire celui ci en VO et pas accroché :/
    Ohh La petite déesse je ne connais pas, est-ce qu’il faut lire River of Gods avant ou pas? J’ai vu qu’apparemment La Petite Déesse (Cyberabad Days en VO?) est un recueil de nouvelles dans l’univers de ce roman?

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  3. Si on permet à l’éditeur d’intervenir… il faut lire « Le Fleuve des dieux » avant la dernière nouvelle, la plus longue, du recueil « La Petite déesse ». Pourquoi ? Parce qu’une des clés du romans se trouve dans le texte « Vishnu au cirque de chats ». Et que ça marchera moins bien si vous les lisez dans l’autre sens, IMHO.

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    • Mais on permet bien sûr avec plaisir à l’éditeur d’intervenir 😉
      Ceci dit, j’ai fait l’inverse et je n’ai pas vraiment été gêné, mais l’ordre voulu par l’auteur (et l’histoire) est bien sûr préférable.

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  4. Comme pour les autres, j’ai juste jeter un coup d’oeil à la conclusion. Je suis … hmm … j’étais en train de le lire avant de partir ( ha la liseuse, quand on y est habitué, on oblie les livres papier..).
    Je n’ai pas envie de me spoiler.

    Je reviendrai après ma lecture!

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  5. Après Mes vrais enfants de Joe Walton, Luna à l’air de faire l’unanimité. Gilles Dumay et la Collection Lunes d’encre nous régalent en ce début d’année. J’attends avec impatience le Robert Charles Wilson pour faire un combo de folie !

    En attendant je vais peut être me pencher sur le Fleuve des Dieux…

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