Le Paradoxe de Fermi – Jean-Pierre Boudine

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Lors de sa publication chez Denoël Lunes d’Encre en 2015, j’avais été tenté par ce livre, et puis finalement je ne l’avais pas acheté. Sa ressortie chez FolioSF était trop tentante, cette fois je l’ai lu !

Résumé

(source éditeur)

Dans son repaire situé quelque part à l’est de l’arc alpin, Robert Poinsot écrit. Il raconte la crise systémique dont il a été témoin : d’abord le salaire qui n’arrive pas, les gens qui retirent leurs économies, qui s’organisent pour trouver de quoi manger, puis qui doivent fuir la violence des grandes villes et éviter les pilleurs sur les principaux axes routiers.
Robert se souvient de sa fuite à Beauvais, de son séjour dans une communauté humaniste des bords de la mer Baltique et des événements qui l’ont ramené plus au sud, dans les Alpes.
Quelque part dans le récit de sa difficile survie se trouve peut-être la solution au paradoxe de Fermi, à cette célèbre énigme scientifique : dans un univers aussi vaste que le nôtre, l’espèce humaine ne peut pas être la seule douée d’intelligence ; alors où sont les autres, où sont les traces radio de leur existence?

Jamais auparavant l’effondrement de notre civilisation ne fut décrit de façon plus réaliste.

L’Auteur

(d’après Wikipédia)

Jean-Pierre Boudine est un professeur agrégé de mathématiques français. Il obtient à Orsay, une maitrise de mathématiques pures, puis des attestations d’études approfondies (AEA) de mathématiques. Il fait son DEA avec Valentin Poénaru sur la K-théorie. Puis il se consacre durant quinze ans à la construction du « parti révolutionnaire de la quatrième Internationale » .

Il reprend les mathématiques en 1981, enseigne en lycée, notamment au lycée Jean-Jaurès à Argenteuil et crée, avec l’aide de deux collègues le magazine Paradrome, en 1983, pour élèves et enseignants curieux de mathématiques, y développant une conception culturelle des mathématiques, associant les exercices proprement dits à des éléments d’histoire, de philosophie, et d’actualité mathématique. Il assure pendant huit ans la page mathématique de Sciences et Vie Junior, signée Professeur Cosinus. Ces chroniques seront rassemblées dans le livre La géométrie de la chambre à air.

Il met sur pied en 1987 Tangente, magazine de l’aventure mathématique, dont Jean-Pierre Boudine sera fondateur et rédacteur en chef les trois premières années. En 1989, Jean-Pierre Boudine crée le magazine Quadrature, qui poursuit le même but que Tangente pour des étudiants plus avancés. Il le dirige pendant quinze ans. Il crée avec un ami, en 1991, l’association du Kangourou des mathématiques. De 1996 à 2002, il coordonne le programme européen Leonardo da Vinci, consacré à l’évaluation automatisée (acronyme AEVEM) puis travaille à répandre, dans les différents départements de l’Université de la Méditerranée Aix-Marseille II la pratique de l’évaluation automatisée.

Mon avis

S’il parle bien du Paradoxe de Fermi, comme son titre l’indique, force est de constater que le livre est en fait une démonstration de l’hypothèse soutenue par l’auteur (ou ses personnages), et que les extra-terrestres en sont directement absents. Ne vous attendez donc pas à un récit les mettant en jeu ! Car malgré les milliards de planètes de l’univers, malgré la forte probabilité que des espèces intelligentes s’y développent et à terme, inventent une forme de communication interstellaire, voire le voyage spatial, aucun alien n’a jamais (à notre connaissance) posé le pied ou la patte sur notre Terre.

Pourquoi ? C’est une des questions que se pose l’ancien chercheur Robert Poinsot dans sa caverne, perdue au fin fond des Alpes, où il survit, enfin disons plutôt qu’il attend la mort. Un héros qui n’a plus d’espoir, suite à l’effondrement de la civilisation et à la disparition de ses amis, et qui griffonne sur des cahiers chinés un journal aux allures de testament, sans croire vraiment que quelqu’un le lira un jour. Crises économiques, conflits locaux qui dégénèrent en guerres atomiques, le futur sombre et réaliste décrit par Jean-Pierre Boudine montre que notre vie courante est fragile et peut rapidement changer du tout au tout. L’auteur avait écrit une première version en 2002, qui a été révisée et actualisée en 2014  avant sa réédition chez Denoël suite aux événements survenus entre-temps – c’est cette seconde version du texte qui parait chez FolioSF.

Certes, le récit du héros est pessimiste et vire parfois à la démonstration, mais il est censé n’être que la vision, partielle et partiale, d’un être désespéré tentant de survivre en milieu hostile après avoir vu son mode de vie se désagréger, et ses certitudes voler en éclat. Un récit dramatique mais que j’ai trouvé hautement réaliste, en espérant que ce soit le verre à moitié vide de notre futur, qui ne se réalisera jamais. Car il montre douloureusement comment des milliers d’années de civilisation peuvent s’effacer en quelques mois, et ramener l’humanité à la sauvagerie complète (même si je suis de ceux qui pensent qu’elle n’en est jamais complètement sortie…).

Et les aliens dans tout ça ? Et bien disons qu’une des théories qui explique leur absence dans notre environnement proche, est qu’une civilisation intelligente finit toujours par s’auto-détruire au bout de quelques siècles/millénaires. Mais ce qu’on redoute pour les hommes (si on est raisonnablement pessimiste) est-il valable pour des formes de vies radicalement différentes ? N’est-ce qu’une question de timing, de synchronisation qui ne s’est pas faite ? Ou ce Paradoxe de Fermi est-il un cri d’alerte à peine voilé pour que nous prenions conscience de ce qui nous attend si nous restons sur la même trajectoire, une allégorie glaçante ?

Chacun se fera son idée, mais à défaut d’E.T., force est de constater que le récit de J.P Boudine fait peur par son son réalisme et que l’existence d’aliens lointains est sans doute le cadet de nos soucis futurs…

A noter l’intéressante postface de J.M. Lévy-Leblond qui revient sur les différentes hypothèses répondant à Fermi, une source inépuisable de scénarios de SF !

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Bonus : interview chez Gromovar (2015)

Challenges

Une cinquième lecture pour le  Challenge Lunes d’Encre  (la seconde publication de ce livre a eu lieu dans cette collection) !

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Et une septième chronique pour le challenge « maison » Summer Short Stories of SFFF saison 3

Challenge Summer Short Stories of SFFF - saison 3

23 commentaires

  1. J’avais été un peu déçu par ce livre. Intéressant mais trop démonstratif je trouve. À pas mal de moment il lorgne plus du côté de l’essai que de la fiction.
    Et s’il faut actualiser le roman tout les 10 ans pour qu’il reste pertinent, ça interroge encore plus sur son intérêt fictionnel je trouve.

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  2. Ayant lu Existence de David Brin au préalable, je pense qu’il va être difficile à ce roman de faire mieux dans l’explication au Paradoxe de Fermi. Et si en plus, c’est plus du post-apo qu’autre chose, je pense que moi aussi, je vais passer mon tour. Mais merci pour ta critique,grâce à elle je cerne mieux les limites de ce livre !

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    • Les 2 livres n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Boudine se rapprochant plus de l’essai là où Brin fait de la SF à grand spectacle. Les deux sont à lire…

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      • Je ne lis pas de la SF pour lire des essais. Quand je veux lire un de ces derniers, je lis un essai, pas un roman. De plus, Brin adopte une approche très complète du Paradoxe, alors que là c’est visiblement vu par le petit bout de la lorgnette. Donc si en plus ça a le côté clinique d’un essai, c’est doublement non merci.

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  3. Je vois que nous avons un ressenti similaire avec cet avenir glaçant. J’avoue que le titre avait fait tilt dans ma tête, mais je savais auparavant qu’il ne serait pas directement question d’ET.
    Pas mal, et je vais lire Existence de Brin suite à l’excellente critique de notre Apophis! 🙂
    Quand? je ne sais pas encore.

    Aimé par 2 personnes

  4. Très bon retour. Pour rebondir sur ce qui a été dit plus haut, je n’ai pas lu Existence mais je trouve l’analyse de Boudine très intéressante, même si elle est très ethnocentrée, elle reste crédible. Le principal défaut de ce livre est d’être trop démonstratif, mais ce n’ai pas non plus un essai, il ne faut pas lui prêter des attributs qu’il n’a pas.

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    • Merci ! Je pense en effet qu’il n’a pas l’aspect factuel et scientifique de la plupart des essais, simplement il relate le point de vue d’un personnage, coincé dans une grotte à écrire ses mémoires. On peut apprécier ou pas le style, mais ce n’est qu’un récit.

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