2312 – Kim Stanley Robinson

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Sacré pavé que ce 2312, que je comptais lire afin de découvrir l’auteur. Sans doute pas une bonne idée…

Résumé

(source éditeur)

2312. Le système solaire a été colonisé après que la Terre a été ravagée par les effets de la pollution. L’humanité peut compter sur le qubes, ces ordinateurs quantiques miniaturisés et parfois greffés directement au cerveau, pour l’épauler dans ses efforts de survie. Des satellites sont terraformés, des astéroïdes forés pour y installer des terrariums et les transformer en vaisseaux spatiaux ; chacun peut choisir ou modifier son sexe ; les chercheurs repoussent chaque jour un peu plus les limites de la longévité.
Sur Mercure, dans le cité mobile Terminateur, Swan, conceptrice de terrariums et artiste de l’extrême, est accablée par le décès soudain de sa grande-belle-mère Alex, un personnage très influent qui nourrissait pour l’humanité de vastes projets soigneusement tenus secrets de tous les réseaux qubiques. accompagnée de Wahram, un associé d’Alex, et de Genette, une inspectrice de la Police Interplanétaire, Swan part sur Io en quête de réponses aux interrogations soulevées par la mort suspecte de son aïeule. Elle qui faisait profession d’imaginer des mondes se retrouve bientôt au cœur d’une vaste conspiration visant à les détruire.
Kim Stanley Robinson met son imagination sans limites au service de la description d’un univers d’une complétude et d’une véracité parfaites. Avec 2312, couronné du Nebula du meilleur roman, l’auteur de la Trilogie martienne nous livre son grand œuvre.

Éditeur : Actes Sud (coll. Exofictions) – Traduction : Thierry Arson – Date de parution : septembre 2017 – 624 pages

L’Auteur

(source éditeur)

Né dans l’Illinois en 1952, Kim Stanley Robinson est le chef de file de l’école de « Real Science Fiction ». Il a écrit de nombreux romans, dont la Trilogie martienne qui l’a rendu mondialement célèbre, et a remporté deux fois le Hugo et deux fois le Nebula du meilleur roman.

Mon avis

Ayant survolé les premières critiques de 2312, mon envie de le lire a vite été douchée, et j’ai un peu tardé à l’entamer, d’autant que c’est un beau pavé de plus de 600 pages en grand format. Pourtant, étant lauréat du prix Nebula du Meilleur Roman en 2013, ce space opera devait avoir bien des qualités… Mais sa lecture a été poussive, non pas pur sa longueur, mais pour son style complètement décousu.

Sous la forme classique d’une enquête policière, Robinson commence par évoquer le décès d’Alex, une femme politique mystérieuse de Mercure, dont on peut douter que la mort ait été naturelle. Sa petite-fille Swan va devoir livrer des courriers papier à quelques contacts, membres d’un espèce de groupe secret, et éviter d’utiliser les réseaux informatiques et les Intelligences Artificielles omniprésentes. Cette enquête, particulièrement poussive, n’est en fait qu’un prétexte pour que l’auteur aborde une multitude de thèmes évoqués au gré de la découverte d’un système solaire colonisé et modifié par les hommes, et organisé en une multitudes de factions tantôt amies, tantôt concurrentes.

En vrac, on voyagera donc sur (et dans) les planètes, lunes et astéroïdes du système solaire, avec force détails sur une colonisation humaine des endroits les plus reculés et les plus hostiles pour une exploitation intensive des richesses ou une terraformation. On découvrira des cités sur rails, d’autres troglodytes ou souterraines, des moyens de transports originaux avec des astéroïdes creusés et aménagés en vaisseaux spatiaux et/ou en terrariums dédiés à la préservation d’espèces éteintes sur Terre, ou à la production de nourriture pour une planète-mère exsangue.

On évoquera aussi des modifications du genre, avec des individus pouvant être père ou mère en fonction de l’envie et du moment, mais aussi avoir plusieurs genres, en changer ou encore ne pas en avoir.

Certains individus s’implantent des IA, des gènes d’animaux ou ingèrent des micro-organismes extra-terrestres ce qui permet parfois d’obtenir des capacités ou des résistances spécifiques.

IA toujours, avec une large part laissée aux ordinateurs quantiques, au cloud, réseaux et au développement potentiel de la conscience.

Mais aussi des préoccupations écologiques, avec une Terre polluée, surpeuplée, au climat déréglé et une envie pour certains individus de reprendre les choses en main, de provoquer une révolution ou d’imposer un changement, que les peuples et gouvernements soient d’accord ou pas.

On notera (et on finira par s’en lasser) le terme récurrent et omniprésent de balkanisation, notamment sur Terre où existent plus de 400 états, mais aussi dans l’espace avec des gouvernements locaux dirigeant parfois de micro-régions.

Beaucoup de choses, de thématiques, beaucoup trop en fait, car KSR s’est laissé emporter et n’a pas trié dans ses centres d’intérêts ou dans les visions du futur qu’il a voulu aborder. Du coup, le livre est un immense fourre-tout qui part dans tous les sens et finit par perdre complètement le lecteur à force de digressions interminables. Je reproche souvent cela à la hard-SF, ici c’est encore pire car toutes les thématiques exposées le sont très largement, et l’enquête policière n’est qu’un prétexte pour tenter péniblement de tout relier. Certes, l’auteur est cultivé et il y a de nombreux thèmes intéressants, mais chacun ou presque aurait pu faire l’objet d’un roman. Et encore aurait-il fallu élaguer pour maintenir l’intérêt. Car comment ici ne pas craquer quand l’auteur passe 10 pages à deviser sur deux personnes sifflant des symphonies dans un tunnel où elles se sont réfugiées (d’ailleurs, les auteurs classiques comme Beethoven ou Brahms sont toujours appréciés en 2312, hein, j’ai comme des doutes personnellement). Et ce n’est qu’un des multiples exemples.

Pour couronner le tout, il a intercalé entre chaque chapitre des « listes » thématiques mais souvent obscures ou inutiles, ainsi que des « extraits » qui sont des fragments de textes, de documentation, de données qui auraient gagné à être présentées autrement (ou intégrées plus subtilement dans le texte) plutôt que sous forme de pavés tronqués, comme des articles coupés.

Et cherry sur le cake, les personnages principaux sont inintéressants au possible. Swan est parfaitement incompréhensible, et passe son temps à hurler comme un loup (les gènes animaux ne lui réussissent pas, visiblement), Wahram, ami d’Alex et amoureux transi de Swan, est un diplomate au corps de batracien et au tempérament de mollusque et l’Inspectrice Genette mène l’enquête à un rythme neurasthénique.

Dommage, car à certains moments, l’auteur a quelques fulgurances dans la description de paysages ou d’événements cosmiques qui sont fortement évocateurs et peuvent faire rêver. Mais c’est tellement fugace qu’on ne peut pas raisonnablement s’infliger la lecture de ce pavé insipide pour ces quelques pépites.

Robinson aurait gagné à être canalisé, édité, coupé, guidé, orienté. Au lieu de cela, il se disperse et perd son lecteur en abordant une multitude de thématiques qui, prises individuellement, sont passionnantes, mais sont ici agglomérées en un ensemble bancal. Et comme l’histoire de fond, les personnages et le style sont bâclés et inintéressants, l’ensemble en devient indigeste au bout de quelques dizaines de pages. Seuls les plus motivés, les masochistes ou ceux qui, comme votre serviteur, n’aiment pas lâcher un livre en route le finiront, quitte à poursuivre en diagonale ou à sauter des paragraphes entiers, puis passeront à autre chose – avec un plaisir non dissimulé…

Personnellement, il me faudrait lire autre chose de l’auteur pour apprécier ses écrits mais il n’est pas sûr que je m’en donne un jour la peine !

D’autres avis : Le Culte d’ApophisL’Imaginaria – Quoi de neuf sur ma pile – …

28 commentaires

  1. Jamais lu le monsieur, je vais donc continuer sur ma lancée…
    Pour sa trilogie martienne, j’en entends beaucoup parler, mais mon instinct me dit que ce n’est pas pour moi : trop sérieux peut-être ?
    Et depuis ton challenge, dès que j’entame un livre de plus de 400 pages, je soupire. Je ne te remercie pas !

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  2. J’avoue que la taille de ses pavés me fait toujours peur. Je vais en rester aux Chroniques des années noires que j’ai lu de lui y’a quelques années et qui m’a laissé un super souvenir ^^.

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  3. C’est caractéristique chez l’auteur tous ces défauts. Ils me rappellent ma lecture (abandonne au milieu de Mars la verte) de la trilogie martienne. Je garde pourtant un bon souvenir de Chroniques des années noires.

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  4. Tu enfonces le clou, ça sera sans moi ! Surtout que j’ai pour mot d’ordre de ne jamais abandonner un livre, comme beaucoup, ici cette règle fait mal.

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  5. En fait, je me fais la réflexion que même si ce livre est chiant à mourir et qu’il n’apporte rien à la bibliographie de KSR, il avait peut-être essayé d’y condenser toutes ses thématiques pour une sorte de livre-bilan de toute sa carrière… Encore aurait-il fallu qu’il soit bon.

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