Emissaires des Morts – Adam-Troy Castro (1/2)

Emissaires des Morts - Adam-Troy Castro

Albin Michel Imaginaire a publié récemment le premier tome d’une trilogie de romans de science-fiction signés Adam-Troy Castro, qui comprend également des nouvelles rattachées au cycle dit d’Andrea Cort, du nom de son héroïne. Je vais dans cet article vous parler uniquement des quatre nouvelles figurant dans ce premier tome de plus de 700 pages, baptisé Emissaires des Morts, et un second article traitera du roman (éponyme) lui-même.

Résumé

(source éditeur)

Un space opera coup-de-poing situé dans un futur lointain, celui du Système Mercantile, où le racisme, la guerre, l’esclavagisme et la corruption n’ont pas pris fin, bien au contraire.
Quand elle avait huit ans, Andrea Cort a été témoin d’un génocide. Pire, après avoir vu ses parents massacrés, elle a rendu coup pour coup. En punition de ses crimes, elle est devenue la propriété perpétuelle du Corps diplomatique. Où, les années passant, elle a embrassé la carrière d’avocate, puis d’enquêtrice pour le bureau du procureur.
Envoyée dans un habitat artificiel aussi inhospitalier qu’isolé, où deux meurtres viennent d’être commis, la jeune femme doit résoudre l’affaire sans créer d’incident diplomatique avec les intelligences artificielles propriétaires des lieux. Pour ses supérieurs, peu importe quel coupable sera désigné.
Mais les leçons qu’Andrea a apprises enfant ont forgé l’adulte qu’elle est devenue : une femme pour le moins inflexible, qui ne vit que pour une chose, « combattre les monstres ».

Editeur : Albin Michel Imaginaire – Traduction : Benoît Domis – Date de parution : 06/01/2021 – 740 pages

L’Auteur

(source éditeur)

Adam-Troy Castro est l’auteur d’une vingtaine de romans et de cinq recueils de nouvelles. La trilogie Andrea Cort (Emissaires des morts, La Troisième griffe de Dieu, La Guerre des Marionnettes) est son œuvre la plus connue. Emissaires des morts a reçu le prix Philip K. Dick.

Mon avis

Pour ceux qui ont raté l’introduction, je rappelle qu’Émissaires des Morts est en fait un recueil composé de quatre nouvelles et d’un roman. On y fait connaissance d’Andrea Cort, l’héroïne du cycle composé en V.O. de trois romans et d’une dizaine de nouvelles. En France, un second tome (La Troisième griffe de Dieu) est prévu en juin 2021 puis la suite dépendra de l’accueil critique – et surtout commercial – des premiers volumes.

Ce premier tome reprend les textes en les agençant dans un ordre chronologique de la saga, même si ce n’est pas l’ordre d’écriture (qui s’est étendu ici de 2002 et 2016). Ainsi, la première nouvelle date de 2011 tandis que le roman est de 2008, mais elle se situe avant les événements de celui-ci.

Avec du sang sur les mains

J’ai parlé dans cet article du Projet Maki de la première nouvelle, Avec du sang sur les mains, je n’y reviendrai pas trop mais j’ai trouvé qu’elle ouvrait magistralement ce volume. Il faut quand même rappeler que c’est une pièce maîtresse pour comprendre le passé, et donc le présent d’Andrea Cort, l’héroïne du cycle, car c’est le premier texte qui décrit de façon complète le traumatisme qu’elle a vécu enfant, et donc la situation qui a été engendrée par ce drame. A commencer par le fait qu’elle travaille à vie pour le Corps Diplomatique, une émanation du gouvernement humain nommé Système Mercantile, et qu’elle se traîne une réputation terrible (qui n’est pas toujours pour lui déplaire). Mais aussi des cauchemars et une culpabilité qui la hantent mais la motivent également dans ces missions. Indispensable, donc, à plus d’un titre, pour comprendre cette juriste de haute volée, dépossédée de sa liberté et hantée par ses Démons Invisibles…

Une défense infaillible

Après un premier texte de haute volée, j’ai déchanté avec celui-ci ! Déjà, il met en scène une autre héroïne, une collègue de Cort nommée Tasha Coombs (sauf sur la fin), ensuite la SF de qualité, emplie de races extra-terrestres et de diplomatie sur le fil du rasoir disparaît au profit d’une enquête d’espionnage, d’un interrogatoire de suspects mollasson qui ne m’a guère passionné. Embringuée dans la recherche d’un traître, Coombs échappe de peu à la mort et verrouille son cerveau pour éviter que son agresseur ne récupère les informations qu’il contient. Problème, sa hiérarchie n’a pas le sésame et c’est donc Cort qui est appelée à la rescousse pour trouver la solution, de préférence sans détruire la psyché de son ancienne collègue. Elle se montre fidèle à elle-même, incapable de se lier et relativement heureuse comme ça (j’avoue que ses remarques cinglantes et son mauvais caractère sont assez souvent jubilatoires).

Les lâches n’ont pas de secret

Sur une planète glaciale, Andrea Cort doit défendre un homme accusé de vol et de meurtre sur un alien local (sic). Condamné à mort, il doit périr par écrasement, une exécution qui peut durer des heures voire des jours. A moins d’exploiter une faille juridique et de bénéficier d’un traitement que seuls les autochtones possèdent et qui lui garantirait la vie sauve. Comme souvent, Cort sera confronté à plusieurs races extra-terrestres, mais aussi à une délégation humaine où la bureaucratie et la médiocrité lui mettront des bâtons dans les roues. Comment s’en étonner dans un système tentaculaire s’étendant sur des centaines de monde et pour lequel, à l’instar de l’armée, la plupart des salariés attend la fin de son contrat pluriannuel en en faisant le moins possible ? Heureusement, elle pourra quand même y trouver quelques alliés. Et se rendre compte que la bêtise rend aussi très dangereux, tandis qu’elle aura amplement loisir à méditer sur la servitude (elle qui est soumise à un contrat à vie) et sur le libre-arbitre. Et elle sera confrontée à un dilemme aux conséquences potentielles gravissimes. Un excellent texte, avec des personnages et des situations marquants, une atmosphère aussi glaciale que la planète où se situe l’action et une Andrea Cort prise au dépourvu et en fâcheuse posture.

Démons invisibles

Encore un meurtrier, encore un humain que Cort doit sauver ! Problème : celui-ci est coupable et l’avoue bien volontiers ! Enfin, coupable, c’est vite dit car il s’en est pris à des créatures primitives vivant sur la planète, des autochtones au sujet desquels les races extraterrestres présentes, dont les humains, ont bien du mal à déterminer s’ils sont sentients ou pas. Pas de sensibilité à la douleur, pas d’interaction avec leurs interlocuteurs, un comportement indifférent… Quant à leur livrer un individu qu’ils ne peuvent peut-être même pas percevoir, pour qu’ils le jugent (notion qu’ils n’ont sans doute pas), c’est un imbroglio juridique dont va devoir se dépatouiller la juriste. Tout ça pour tenter de sauver, finalement, un être détestable mais appartenant à son espèce…

C’est sans compter sur l’opiniâtreté (et le mauvais caractère) de Cort qui va tout tenter pour définir les limites de perceptions des locaux, elle qui comprend bien ce qu’il en est d’être hantée par des voix, des souvenirs et des sentiments qui l’ont marqué de façon indélébile. Un très bon texte là aussi, qui conjugue Premier Contact extraterrestre et argumentation juridique, et forge encore plus l’image de l’héroïne, aussi agaçante qu’attachante.

En conclusion, j’ai passé un très bon moment avec ces textes (même si j’ai moins aimé le second). L’univers décrit est passionnant, une confédération humaine capitaliste et bureaucratique composée de milliers de mondes, avec des systèmes politiques variés, et en interaction avec plusieurs races extraterrestres et même des Intelligences Artificielles. Et l’héroïne, marquée par son passé et détestée par tous, se campe dans une posture d’indifférence et de froideur qu’elle ressent… la plupart du temps. Ce qui ne l’empêche pas d’aller au bout de ses idées et convictions, quoi qu’il lui en coûte. Les récits, bien que peu portés sur l’action mais plus sur l’enquête et le juridique, restent passionnants et n’en sont pas moins rythmés, et les retournements de situation ou les implications de haute volée abondent. Les nouvelles sont hautement recommandables, qu’en sera-t-il sur un format plus long avec le roman qui suit ? Mon avis arrivera dans le prochain article. Stay tuned !

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