La Compagnie Noire, tome 1 : la Compagnie Noire – Glen Cook

La Compagnie Noire, tome 1 : la Compagnie Noire - Glen Cook

J’ai un peu hésité avant d’écrire cet article car je l’ai déjà écrit !? Comme je l’ai annoncé dans mon bilan 2021, j’ai l’intention cette année de lire le cycle de la Compagnie Noire. En 2012, il y a donc presque 10 ans, j’ai lu les deux premiers tomes et suis passé, je ne sais plus pourquoi, à autre chose. Cette fois, j’ai bien l’intention d’aller au bout, à raison d’environ un tome par mois. Et j’ai décidé, en accord avec moi-même, qu’il y avait prescription de chronique, et à ma relecture récente succède donc ce nouvel article. Ce qui tombe bien puisque le fait de relire le même livre a 10 ans (et quelques centaines de bouquins) d’intervalle me donne une perspective légèrement différente. Pour les curieux, voici quand même le lien vers la chronique de 2012 !

Les annales de la Compagnie Noire se composent de plusieurs arcs narratifs, les trois premiers tomes (la Compagnie Noire, le Château Noir et la Rose Banche) formant les Livres du Nord. Ils sont disponibles en intégrale grand format illustrée chez L’Atalante (édition 2005 !) et à l’unité (2004) ou en intégrale (2015) chez J’Ai Lu. Seules ces dernières intégrales sont disponibles en numérique.

De quoi ça parle ? Et bien ce premier tome est composé des récits (plus ou moins exhaustifs, j’y reviendrai) d’une compagnie de mercenaires, un petit millier d’hommes qui arpente un monde de fantasy humano-centré où se livre une guerre entre un empire dirigé par une Dame maléfique (doté d’un Oeil lui permettant d’observer au loin, tiens, tiens) et des rebelles espérant l’arrivée d’une sauveuse, la Rose Blanche. Un thème assez, voire très, classique dans nos littératures, donc, sauf que Glen Cook va nous faire vivre les aventures de cette Compagnie noire de l’intérieur, via les annales écrites par le médecin-chirurgien Toubib, mais surtout par le fait que les mercenaires vont se mettre sciemment au service du Mal. Après tout, l’argent efface les scrupules, enfin les atténue la plupart du temps, et les mercenaires n’ont pas trop d’état d’âme car ils ne sont pas payés pour ça.

On suit donc les tribulations de ce groupe, au gré des batailles et escarmouches où leur employeur, en la personne d’un des lieutenants de la reine maléfique, les expédie. Victoires ou défaites se succèdent, avec des passages extrêmement crus, cruels voire malsains. Toubib est chargé de tout consigner pour perpétuer une longue tradition de conteurs (les annalistes) qui relatent depuis des siècles l’histoire de la Compagnie, mais il passe parfois sous silence (ou occulte volontairement) certains aspects du « travail » des mercenaires qui, s’ils sont souvent attachants voire amusants, n’hésitent jamais à piller, violer ou abattre sauvagement un ennemi. Le point de vue original vient du fait qu’on voit l’histoire du « mauvais côté », ou du côté mauvais, et que les héros habituels sont considérés ici comme des rebelles à éradiquer. La Dame compte pour cela sur des Asservis, des lieutenants particulièrement puissants et dotés de capacités magiques (et de tapis volants !) qu’elle domine sans pitié et qu’elle n’hésite pas à sacrifier, si nécessaire – ou à créer en brisant et corrompant les lieutenants ennemis. Mais des signes de trahison se révèlent peu à peu, il faut dire que cette reine cache un sinistre secret et que certains dans son camp jouent un double jeu.

Quant aux rebelles, on n’en saura finalement pas grand chose si ce n’est qu’ils ont des généraux eux aussi très puissants et que le passage d’une comète leur laisse à penser qu’une Elue, la Rose blanche, va être trouvée et les aider à triompher. Hélas pour eux, elle tarde à se manifester et la désillusion l’emporte peu à peu sur l’espoir. Là aussi, Cook joue avec une thématique classique de la fantasy et la détourne.

La fin de ce tome voit la Tour de la Dame être assiégée. De longues scènes de combats alternent avec des passages où Toubib (et donc le lecteur) est un témoin privilégié du drame et des rivalités internes qui minent les forces de la dirigeante (quelle idée a-t-elle eue de prendre la Compagnie comme garde d’honneur ?!), tandis qu’on apprend de mieux en mieux à la connaître – et à la craindre.

Les soldats de la Compagnie Noire sont pour la plupart attachants, ce qui est à la fois amusant, choquant et contradictoire parce qu’on ne peut bien sûr pas adhérer à leurs actes. Ils sont nommés ici par des surnoms bien plus explicites que ceux d’Erikson dans son Livre des Martyrs (les points communs entre les deux oeuvres sont légion). Toubib suit scrupuleusement l’action pour la relater et rêvasse sur l’idée qu’il se fait de la Dame, allant même jusqu’à gribouiller des petites fables. Le fait de se rapprocher d’elle peu à peu le fera redescendre sur terre et il se demandera ce qu’elle lui trouve en réalité. Plusieurs sorciers font partie de la bande : Qu’un Oeil et Gobelin passent leur temps à se chamailler et à se faire des blagues magiques tandis le laconique Silence observe mais parle peu. L’énigmatique soldat Corbeau prend sous son aile (uh, uh) une petite fille rescapée d’un massacre tandis que les gradés essaient de suivre les ordres et de garder la Compagnie cohérente au milieu du chaos d’une guerre qui voit dominer tantôt un camp, tantôt l’autre. Tous sont animés d’un sentiment d’appartenance et d’une fidélité, d’un attachement à une certaine idée de leur groupe, de son histoire et du rôle de celui-ci, quelque soit les atrocités qu’ils commettent par ailleurs entre deux marches forcées et quelques parties de cartes truquées.

Malgré un style le plus souvent un peu sec et direct, la Compagnie noire est un classique de la dark fantasy, et si vous aimez le sang et les tripes, les soldats désabusés mais fidèles à leur unité, les combats magiques et les trahisons en tout genre, vous ne pourrez qu’avoir envie de le lire (d’autant qu’il est bien plus accessible qu’un Erikson !). Le second tome est au programme de mes lectures du mois prochain…

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Résumé

(source éditeur)

Depuis des siècles, les traditions et souvenirs de la Compagnie noire sont consignés dans les présentes annales. Depuis des siècles, la troupe se loue au plus offrant et les batailles qu’elle a livrées ont déjà rempli maints volumes. Jamais pourtant elle n’aura traversé de période aussi trouble. Entrée au service de la Dame et de ses sorciers maléfiques, la Compagnie participe à l’une des plus sanglantes campagnes de son histoire. Les combats incessants, la magie noire qui empuantit l’air, bientôt les hommes tombent comme des mouches, et ceux qui restent debout commencent à se demander s’ils ont choisi le bon camp. Ce sont des mercenaires, ils sont dépravés, violents et ignares, sans foi ni loi, mais même eux peuvent avoir peur, très peur…

Editeur : J’Ai Lu – Traduction : Patrick Couton – Date de parution : 26/11/2004 – 360 pages

L’Auteur

(source éditeur)

Glen Cook, né à New York en 1944, il commence à écrire très tôt et son premier texte publié date de 1970. Aussi à l’aise dans la science-fiction (Le dragon ne dort jamais) que dans le mélange des genres atypique (les aventures de Garrett, détective privé, un croisement délirant de polar et de fantasy), il a fait subir le même sort à la fantasy que Sergio Leone au western en publiant le cycle de La Compagnie noire.

25 commentaires

  1. Il me reste encore les deux derniers tomes de la série à lire, je ne sais pas trop à quoi m’attendre pour la fin… Je te rejoins sur le parallèle avec l’oeuvre d’Erikson et sa plus grande accessibilité.

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  2. Ohlàlàlàlàlàlàlàlàlàlàlà. Je n’ai pas assez de « làlàlàlàlà » pour exprimer mon enthousiasme. Ce truc est FAIT POUR MOI. Pourquoi je l’ai jamais lu? J’ai foutu quoi les vingt dernières années? Ohlàlà. Entre ça et tes chroniques sur Erikson, je vais passer l’année à écrire « ohlàlàlàlà » dans tes commentaires. J’espère que tu vas tout aimer!
    Je vois que tu es en train de lire (ou relire, si ça se trouve) le Silmarillion: génial aussi!

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  3. Autant j’ai beaucoup aimé les livres du Nord, autant la suite perds très vite en intensité, même si l’ensemble reste sur le haut u panier en matière de fantasy. Les évocations des évènements anciens, la Domination et autres joyeusetés sont, je trouve, vraiment super bien amenées. Autant je n’arrive toujours pas à entrer dans le livre des martyrs, autant j’ai dévoré les histoires du toubib.

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    • Ah, tant que ça reste de bon niveau, je suis preneur, merci du retour !
      Pour Erikson, c’est spécial et plutôt ardu, je comprends qu’on puisse ne pas accrocher. Ça gagne à être lu et relu pour bien tout capter, en fait.

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  4. Ma foi, je ne connaissais pas cette saga et tu m’as donné envie de la lire ^^
    Je suis déjà L’ange du Chaos de Michel Robert où le protagoniste principale et son acolyte ne sont déjà pas toujours très blancs, même s’ils ne sont pas mauvais pour autant (plutôt neutre bon, je dirai). Mais là, c’est un autre niveau !
    J’ai vu que l’intégrale est disponible dans une des bibliothèques de mon agglomération (stratégie pour me forcer à lire et accessoirement moins dépenser/encombrer ^^ » C’est ainsi que j’ai lu plein de Terry Pratchett ;p)
    D’ailleurs en parlant de ce bon monsieur britannique, j’ai vu que le tome 1 de la Compagnie Noire avait été traduit par le même traducteur que les Annales du Disque-Monde. Ca me motive encore un peu plus d’aller voir la Compagnie Noire. J’espère juste que les traductions des tomes suivants sont aussi bonnes ;p
    Misère, ça me rappelle que ça fait bien longtemps que je n’ai pas pu RP sur Lotro avec mon vieux barbouze neutre/chaotique bon…

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    • Le cycle fait référence en Dark fantasy donc j’ai bon espoir qu’il soit appréciable, à suivre au cours des prochains mois !
      Concernant Lotro, je vais y piocher des idées puisque je démarre une campagne en Eriador 😉

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