La Reine en jaune – Anders Fager

La Reine en jaune anders fager

Il y a quelque temps, j’avais bien aimé un recueil de nouvelles d’Anders Fager intitulé Les Furies de Borås. Le voici de retour sur le blog avec un autre recueil, La Reine en jaune.

Résumé

(source éditeur)

En cinq nouvelles et autant de fragments, Anders Fager, nouveau maître de l’horreur suédois, nous plonge dans les cauchemars et terreurs de notre époque.

À Trossen, les résidents de la maison de retraite se regroupent au quatrième étage pour des rites venus d’un autre âge ; les deux frères Zami et Janoch escortent Grand-Mère pour un long voyage – Grand-Mère qui gronde parfois, ou montre les crocs ; pour My l’artiste, la femme bafouée, le chef-d’œuvre ultime ne peut se concevoir sans sacrifices ; à Bodskär, dans la baie plongée dans les ténèbres, quelque chose émerge des flots…

Editeur : Pocket – Traduction : Carine Bruy – Date de parution : 09/05/2019 – 288 pages

L’Auteur

(source éditeur)

Comparé à Stephen King dans ses œuvres les plus sombres, à John Ajvide Lindqvist sous stéroïdes ou au maître de l’horreur H.P. Lovecraft, Anders Fager, né en 1964, vit à Stockholm. Ex-dyslexique, ex-punk, ex-geek, il est désormais auteur de nouvelles horrifiques, entre autres.

Mon avis

Direction donc à nouveau la Suède, où il se passe de drôles de choses, entre sorcellerie et lovecrafteries en tout genre (comme la couverture l’indique). Comme dans Les Furies de Borås , l’auteur entrecoupe ses nouvelles par des « Fragments », sorte d’interludes qui forment une trame de fond, et il fait référence au recueil précédent par des allusions judicieusement placées.

Le Chef-d’œuvre de mademoiselle Witt raconte l’histoire d’une artiste d’art contemporain prête à tout pour la gloire et la notoriété. Ses « oeuvres » (chacun se fera une idée selon sa sensibilité) lorgnent de plus en plus vers la débauche, la pornographie et la violence, tandis que la réputation sulfureuse agit comme une drogue sur la jeune femme névrosée et aiguillonnée par une mystérieuse commanditaire. Une montée progressive dans l’horreur qui est bien vue, égratignant au passage le microcosme des artistes et leur entourage, les journalistes, blogueurs et critiques. Dommage que la fin soit un peu décevante, la conclusion aurait gagnée à être un peu plus choquante (sic).

Cérémonies nous plonge dans le quotidien d’une maison de retraite presque ordinaire. Vieillards gâteux, pertes de mémoire ou de fluides corporels (beurk), rien ne nous est épargné dans cette description précise, et glaçante, d’un futur possible pour certains d’entre nous, et hélas bien moins « imaginaire » qu’on ne peut le croire. Bref, tout n’est pas normal bien sûr dans cet établissement, sous un charme trouble puisque pensionnaires et personnel soignant se retrouvent pour des cérémonies païennes qu’ils exécutent « à l’insu de leur plein gré ». Un récit étrange, assez choquant et déstabilisant.

Quand la mort vint à Bodskär commence comme un récit de guerre, avec le débarquement d’un commando sur une petite île paumée où les russes feraient des tests sous-marins, ce que les suédois ne pourraient tolérer sur leur territoire. Sauf que les soldats ont ordre de tirer sur tout ce qui bouge, que les habitants de l’île sont étranges, qu’une masse énorme sort de l’eau et ne semble pas être un navire… Ajoutons à cela des soldats qui perdent un point de santé mentale par balle tirée et on devinera vite vers quel écrivain Grand Ancien lorgne cette nouvelle, au début très (trop) lent mais qui s’achève par une folie meurtrière, et un épilogue typique du Maître.

La Reine en jaune, titre éponyme donc du recueil, nous narre la suite de la première nouvelle. On retrouve My l’artiste, internée et subissant les exactions liées à sa condition de folle furieuse et violente. A moins que, gavée de médocs, elle n’invente une partie de ce qu’elle vit ? Toujours est-il qu’un échappatoire se présente à elle et lui permet de s’échapper et de poursuivre son chemin sanglant, sans doute en utilisant la géométrie non euclidienne… Un récit oppressant, manipulant le lecteur et comprenant un point d’orgue horrifique réussi (sic).

Le Voyage de Grand-Mère est le récit d’une épopée pendant laquelle deux jeunes hommes (quoique…) quittent la Suède et traversent différents pays pour aller chercher leur grand-mère et la ramener à la maison. Deux garçons bien étranges qui fricoteront avec la pègre et feront des rencontres étonnantes sur le chemin, sans être inquiétés par les polices ou douanes croisées (ce qui en dit long sur la passoire que peut être l’Europe, d’ailleurs…). On comprendra vite que les garçons n’en sont pas vraiment, et leur grand-mère est plus que spéciale, pendant ce road-movie « horrificomique » sur lequel l’ombre de Lovecraft fait plus que rôder puisque Yog-Sothoth y est largement évoqué (invoqué ?). Une belle réussite, avec là aussi un début un peu lent et une accélération progressive, trame que l’auteur semble apprécier (ainsi que les changements de temps pour accélérer le rythme de certains passages).

Des récits réussis, entrecoupés de petits interludes, les « Fragments », qui déroulent une trame de fond avec plusieurs factions qui naviguent de façon occulte autour de l’activité humaine depuis des siècles. Seul petit bémol, le côté frustrant de ne pas en découvrir assez sur ces individus.

Au final, un très bon recueil du suédois Anders Fager, n’hésitant pas à utiliser des détails sanglants ou choquants pour étoffer ses récits, lesquels sont variés, horrifiques et finalement cohérents, fragments d’une trame globale imprégnée d’occultisme et de lovecrafteries. A conseiller aux amateurs d’horreur contemporaine.

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