Armageddon Rag – George R.R. Martin

Armageddon Rag - George R.R. Martin

Au risque de radoter (encore) je rappelle que l’auteur du Trône de Fer a écrit de nombreux romans et nouvelles avant de connaître un succès mondial avec sa saga fétiche, en voici une preuve de plus sur ce blog. Cette fois on parle rock’n’roll voire même de hard rock !

Résumé

(source éditeur)

Jamie Lynch, l’imprésario d’un des plus grands groupes de rock des années soixante, les Nazgûl, est retrouvé ligoté à son bureau et le cœur arraché. Un meurtre qui en fait remonter un autre à la surface : celui du chanteur du groupe, abattu en plein concert, en 1971. Deux crimes non élucidés distants d’une dizaine d’années. Une énigme. Parce que son quatrième roman est au point mort, parce qu’il a suivi l’affaire Charles Manson en tant que journaliste, parce qu’il est fasciné par l’histoire et la musique des Nazgûl, l’écrivain Sander Blair décide de mener sa propre enquête et d’en tirer un livre, son De sang-froid. Mais Sander va rapidement se rendre compte que, malgré les apparences, le meurtre de Jamie Lynch n’est pas une nouvelle affaire Sharon Tate. C’est bien plus compliqué.
Et bien pire. 

Thriller fantastique hanté par des visions d’apocalypse, fascinante plongée dans l’Amérique de l’après-guerre du Viêt Nam sur laquelle plane le fantôme de l’âge d’or du rock, Armageddon Rag est une des réussites majeures de George R. R. Martin…

Editeur : FolioSF – Traduction : Jean-Pierre Pugi – Date de parution : 05/05/2014 – 608 pages

L’Auteur

(source éditeur)

Né en 1948 dans le New Jersey, George R. R. Martin est l’auteur de nombreuses nouvelles et d’une dizaine de romans, dont le remarquable Armageddon Rag. Il est aujourd’hui connu dans le monde entier pour sa série best-seller Le Trône de fer, adaptée à la télévision par HBO (Game of Thrones).

Mon avis

Retour dans les années 80 avec ce roman fantastique de G.R.R. Martin qui a pour cadre le milieu du rock’n’roll, voire du heavy metal. Martin s’amuse à imaginer un groupe appelé les Nazgûl, en clin d’œil bien sûr à Tolkien (ironiquement, quelques dizaines d’années après le succès de la série Game of Thrones, J.R.R. et G.R.R. sont maintenant sans doute les auteurs les plus connus en fantasy, ce que ce bon George était loin d’imaginer à l’époque). Bien sûr, il y a un clin d’oeil à la manière qu’ont les groupes de hard rock de s’inspirer de la « mythologie » de l’heroic fantasy : noms, visuels, accoutrements, titres de chansons… et c’était encore peut-être encore plus visible dans les années 80.

Dans Armageddon Rag, le chanteur emblématique des Nazgùl a été tué sur scène et son meurtre jamais résolu, ce qui a sonné le glas de la carrière du groupe. Peut-on imaginer les Beatles sans John Lennon, Queen sans Freddy Mercury (et pourtant, ils ont tenté…) ? Ici, les autres membres ont donc pris des chemins séparés et, comme souvent, ils ont fini par sombrer dans un quotidien morose ou une déchéance à la hauteur de leur gloire passée. Le batteur tient un club minable, le guitariste s’entoure de (très) jeunes filles soumises et le bassiste-compositeur a une vie de famille qui le comble en apparence mais le mine intérieurement.

La mort de leur ancien manager, à qui ils avaient tous des raisons d’en vouloir pour s’être gavé sur leur dos au faîte de leur gloire, va être le déclencheur d’un road trip de l’écrivain et ancien journaliste de rock Sander Blair. S’il a lui-même connu un certain succès littéraire, il est plutôt sur la pente descendante et pour tout dire, sa jeunesse fumeuse et alcoolisée lui manque un peu. Tout ces destins sont l’occasion de se poser la question de « l’après », de l’embourgeoisement, de la reconstruction après une vie dissolue mais glorieuse interrompue brutalement. D’interview en virée auprès d’anciennes connaissances, Sander va certes mener l’enquête sur le meurtre, là où la police classe rapidement l’affaire, mais aussi cerner peu à peu ceux qui auraient intérêt à ce que le groupe se reforme. Pour retrouver la gloire passée ? Se faire un maximum de dollars sur le dos des nostalgiques, anciens jeunes-camés-jeunes-fauchés devenus cadres bedonnants aisés ? A moins qu’un dessein plus « occulte » ne se profile ? C’est ce qui arrive quand on prône le sang, le mort et l’adoration du Mal à longueur de chansons, de mélopées… d’incantations !

Armageddon Rag, c’est aussi et surtout le bilan d’une époque révolue, le retour sur un passé récent. Dix ans plus tard, que reste-t-il des utopies, du flower power, des luttes contre la guerre et le racisme, des rêves d’une génération qui devait tout changer ? Ce n’est pas pour rien que Martin inflige à son héros des hallucinations, des visions liées à la contestation typique des années 70, en pleine guerre du Viêt Nam. Pour mieux montrer la dure réalité, et un monde qui n’a finalement pas tant changé, les rêves s’étant brisés. Même le journal pour lequel Sander travaillait n’est plus qu’un torchon qui a survécu, mais en perdant son âme au profit des groupes de disco-pop du moment et des recettes publicitaires.

Alors certes, c’est souvent caricatural (quoique…) et parfois trop long, notamment dans ces ellipses oniriques. Mais Martin retranscrit aussi la folie du show business et du rock en général, les groupies, les concerts géants en plein air, l’alcool et la dope, les personnages bigger than life, les caprices de stars… Et y glisse une pointe de fantastique voir d’horreur, l’air de rien, faut bien rigoler !

Ce qui est amusant, et assez paradoxal, est que les influences de G.R.R.RM. sont quand même assez éloignées du (hard) rock qu’il met en scène (uh, uh) ici. Les chapitres comprennent des extraits de chansons qui sont créditées en fin de bouquin et on y trouve surtout les Beatles, John Fogerty, Simon and Garfunkel, Bob Dylan, Jimi Hendrix, The Doors… Du lourd, certes, mais pas vraiment du hard, si j’ose dire (je ne crois pas avoir relevé de mentions à Led Zep, Deep Purple ou – et surtout peut-être vu le contexte – Black Sabbath ?).

Si ce n’est pas un coup de coeur, Armageddon Rag reste une lecture très agréable qui, utilisant le prétexte d’une virée dans la passé d’un groupe de rock, se penche en réalité sur les rêves passés, sur la réalité qui a balayé les utopies de la jeunesse, et porte un regard désabusé, nostalgique voire triste sur ce qu’il est réellement advenu. Toute ressemblance avec des faits réels serait purement fortuite…

D’autres avis

Nébal – …

22 commentaires

  1. C’est un roman que j’avais lu il y a un longtemps en VO et qui m’avait fait forte impression à l’époque. Je l’ai relu il y a quelques années et j’ai été surpris d’être de nouveau scotché par son ambiance crépusculaire, aux limites du fantastique.

    Musicalement, je pense qu’il fait plus référence à certains groupes de la fin des sixties qu’aux seventies elles-mêmes. Vu de 2020, ça paraît peu sulfureux (le metal et le stoner a fait bien plus depuis), mais pour l’époque, ça devait être autrement dérangeant, j’imagine.

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  2. Pas trop compris le but de mettre l’article en 2 pages ?
    J’avais pas super aimé ce bouquin, mais l’ambiance concert etc c’est pas trop ma came et j’y connais pas grand chose.

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  3. Il est dans ma PAL. Comme toi je m’intéresse beaucoup à ce qu’il a pu écrire avant. Heureusement que le TDF est passé par là, sinon pas sûr que nous aurions eu toutes les traductions de son oeuvre. En tout cas son univers littéraire est captivant et surtout, il est critique. Et ça c’est bien.

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