Le Livre des Martyrs, tome 4 : La Maison des Chaînes – Steven Erikson

Le Livre des Martyrs, tome 4 : La Maison des Chaînes – Steven Erikson

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le tome 4 de la saga du Livre des Martyrs, La Maison des Chaînes, ne fait pas suite au tome 3 (Les Souvenirs de la Glace) mais au tome 2 (Les Portes de la Maison des Morts) ! Ayant lu ledit tome en août 2019, et au vu la profusion d’intrigues et de personnages, j’ai commencé par le relire (893 pages grand format !) avant de passer à l’objet de cet article.

Pour autant, le début du roman n’est pas directement une suite des récits précédents, mais s’intéresse à un petit groupe d’humanoïdes de la tribu reculées des Teblors. On le sait, chez Erikson l’archéologue, plusieurs races coexistent et nombreuses sont celles qui ont précédé les humains, qu’il en reste des traces ou des individus… ou pas. Cela s’inscrit dans une très longue histoire de plusieurs (centaines de) milliers d’années que l’auteur nous jette en pâture, parfois assez rudement, sans expliquer grand chose, et les humains ne sont que les derniers habitants (en date) des immenses continents de ce monde. Revenons à nos Teblors, qui vivent dans des terres reculées, et parmi eux au jeune Karsa Orlong, un guerrier qui rêve de gloire, bercé par les exploits passés de son grand-père. Accompagné de deux autres jeunes, dont l’un est un rival auprès de la jeune femme qu’il convoite, il va partir faire des razzias sur les terres des peuples voisins, et suivre les traces de son grand-père en direction d’un mystérieux Lac de Glace. Comme d’habitude, Erikson nous décrit un monde barbare où la sauvagerie est coutumière, et les combats comme les massacres sont légion, les âmes sensibles s’abstiendront donc ! La longue saga de Karsa occupe un des quatre « livres » de ce tome, soit plus de 200 pages, et voit le jeune géant traverser de nombreux lieux, dans des conditions éprouvants puisque le plus souvent prisonnier ou esclave. On aura l’explication partielle, lors de son périple, d’évènements ayant eu lieu dans le tome 2 (un certain bateau à l’équipage particulier, l’un des gardes d’une prophétesse dans le désert…) dont cette histoire constitue de fait un préquel. Et l’épopée de ce guerrier solitaire, arraché à sa contrée d’origine par ses ambitions de gloire, se heurte à l’expansion de l’armée malazéene qui broie les peuples sur son passage. Un récit très réussi où, malgré la dureté du personnage principal, on en vient à l’apprécier au cours de son évolution graduelle tandis qu’un de ses compagnons d’infortune, originaire de la ville Darujhistan sur le continent de Genabackis (siège des tomes 1 et 3) se révèle aussi secourable qu’amusant.

On retrouvera Karsa, sous un autre nom, au coeur du Tourbillon. Dans le désert de Raraku, les intrigues politiques vont bon train dans le camp de Sha’ik réincarnée, et les alliances se font et se défont en permanence pour « orienter » la révolution en « guidant » la prophétesse.

Pendant ce temps-là, l’Adjointe Tavore a débarqué à Aren avec des troupes fraîches mais expérimentées et se lance à rebours sur la route vers le Nord et le désert où règne sa sœur Félisine, sans qu’elle le sache. Un chemin d’autant plus éprouvant qu’il emprunte la célèbre Chaîne des Chiens sur laquelle plane encore l’ombre de Coltaine. Heureusement, des soldats malazéens expérimentés, dont l’équipage du vaisseau de morts-vivants, se joint aux troupes pour les faire bénéficier de leur savoir martial (et de leurs munitions moranthes !). On retrouve avec plaisir la gouaille et le franc-parler de ces vétérans qui, comme les Brûleurs de Ponts, ont un fort caractère et une fidélité sans faille à l’égard de l’Empire, à défaut de respecter leurs gradés (chacun prend d’ailleurs un malin plaisir à ne surtout pas souhaiter s’élever dans la hiérarchie militaire !). Tavore, à l’un des plus hauts postes de l’Empire, doit faire ses preuves tout en mettant sur pied une armée débutante et Gamet, son ancien intendant promu au rôle de Poing, peut douter de sa maîtresse et de la confiance que lui témoigne l’Impératrice.

De nombreux autres personnages sont à l’oeuvre dans ce tome. Le voleur Krokus est maintenant assujetti à Cotillon et prend le nom de Couteaux, essayant peut-être ainsi de se rapprocher de la toujours distante Apsalar, marquée durablement par le fait d’avoir été possédée par le dieu des assassins. Leur arrivée sur une île où des Tistes Andii défendent un artefact plus ou moins abandonné par Anomander Rake les met à rude épreuve. Assassin lui aussi, Kalam se rend lui aussi dans le désert où le destin des Brûleurs de Ponts a été forgé dans la douleur.

Ailleurs, Onrack, un T’lan Imass va faire équipe avec Trull Sengar, un Tiste Edur renié par les siens et ils vont croiser, lors d’un périple de garennes en garennes, un groupe de Tistes Liosan, ce qui permettra à Erikson de nous donner quelques indices (parfois confus et imprécis, à mon avis) sur les peuples – souvent surpuissants – et les civilisations qui ont précédé les humains sur les continents du monde où se déroule l’action. Et il y a aussi une ancienne mercenaire Epée Rouge, affectée à la protection d’un Grand Mage, des guildes d’assassins plus ou moins secrètes, on y croise Icarium et son ami et j’en oublie tellement le livre est riche de personnages ! Les couvertures V.O. ci-dessous vous donnent également une idée des créatures rencontrées…

On notera qu’Erikson aime les (vieux) personnages usés et désabusés, Gamet prenant la suite de Duiker voire de Mésangeai, d’une certaine manière, ainsi que les femmes fortes, avec Tavore, Félisine ou encore Lostara. Tandis que les soldats malazéens, et notamment les sapeurs, voient leurs gradés bien malmenés alors que ceux du rang jubilent avec leurs armes explosives, et que les Bruleurs de Ponts connaissent une destinée inédite. Quant aux dieux, ils s’impliquent fortement dans la destinée du monde. On avait déjà lu les mésaventures du dieu de la guerre (qui va ici retrouver Hédoric), Cotillon et Ombretrône continuent leurs manigances et n’hésitent pas à agir encore sans trop de discrétion. Le Dieu Estropié reste à l’écart mais son arrivée se précise, tandis que l’imprévisible Karsa, décidemment le personnage central de ce tome, pourrait, ou pas, lui obéir.

La bataille finale est pour le moins déroutante, tous les fils tissés au long du long roman convergent en effet vers le Tourbillon et le camp des rebelles du désert, et les multiples forces en présence se déchaînent (si j’ose dire, tant le symbole des chaînes, réelles ou psychologiques, est omniprésent dans ce tome). Trahisons, meurtres sordides, sorcellerie, coups d’éclats se succèdent tandis que les personnages se croisent ou se combattent.

Vous l’aurez compris, La Maison des Chaînes et ses 960 pages Grand Format bien remplies est un livre copieux où Steven Erikson mêle les destins de nombreux personnages, peut-être même plus d’ailleurs que dans les tomes précédents. Il vaut mieux rester concentré et, là où d’autres auteurs auraient sans doute écrit une trilogie par groupe de personnages, lui a choisi de concentrer les informations. Au quatrième tome, l’univers continue à se dessiner et le lecteur est donc moins perdu, d’autant que celui-ci prend la suite directe des Portes de la Maison des Morts. Mais cela reste une lecture relativement exigeante, au moins autant qu’elle est passionnante. Quasiment tous les personnages sont attachants, à leur façon, et l’auteur ne les ménage pas. On ne peut donc pas anticiper ce qu’il va leur advenir, contribuant ainsi à rendre la lecture addictive. La suite de ce volet de la sage et de la XIVe armée sera à lire dans le tome 6, après un passage par le cinquième qui s’avère un préquel, et dont j’ai prévu la lecture prochainement.

D’autres avis

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Résumé

(source éditeur)

Au nord de Genabackis, un groupe d’incursion mené par trois guerriers teblors descend de la montagne dans le but de ravager les plaines méridionales occupées par les basse-terriens qu’ils honnissent. Pour le dénommé Karsa Orlong, ce raid marquera le début d’une extraordinaire destinée.
Quelques années plus tard, Tavore, la nouvelle Adjointe de l’Impératrice, débarque dans le dernier bastion de Sept-Cités encore aux mains des Malazéens après les événements dramatiques de la Chaîne des Chiens. Nouvelle à son poste de commandement, elle devra aguerrir douze mille soldats fraîchement recrutés pour la plupart — à l’exception d’une poignée de vétérans ayant survécu à la légendaire marche de Coltaine — afin de former une armée capable de renverser les hordes de l’Apocalypse qui se terrent au coeur du Saint-Désert.
Tandis que les Grands Prêtres et les généraux de Sha’ik se livrent à une lutte de pouvoir qui menace l’âme même de la Rébellion, d’obscures forces se rassemblent autour de Raraku et de son mystérieux Tourbillon. Dans le Naissant, Onrack, un T’lan Imass perdu, libère de ses fers le Tiste Edur Trull Sengar, abandonné et banni par ses semblables ; tous deux vont dès lors se lancer dans une longue odyssée pour rejoindre leur domaine d’origine. Sur Avalii la dérivante, une sanglante confrontation ravive les inimitiés qui règnent entre les trois garennes primordiales, forçant Ammanas et Cotillon à sortir de leur réserve. Et au cœur de Kurald Thyrllan, les Tistes Liosan sont aux abois : Osric, leur dieu, a disparu, et personne ne semble savoir où il est.
Un terreau propice à l’avènement de la Maison des Chaînes du Dieu Estropié qui, en secret, poursuit son inquiétant recrutement…

Editeur : LEHA – Traduction : Nicolas Merrien – Date de parution : 18/10/2019 – 962 pages

L’Auteur

(source éditeur)

Steven Erikson : archéologue et anthropologue de formation, féru d’histoire, Steven Erikson s’est inspire de ces univers et des grands récits de la mythologie à l’instar de l’Iliade pour sa série Malazan Book of the Fallen. Son oeuvre, empreinte de grandes épopées et de mystères (nul ne peut prédire l’évolution de ses romans), est loin des clichés collant parfois à la fantasy. Il dépeint des personnages aux multiples facettes, alternant les bons comme les mauvais côtés, à l’image de l’être humain. Son oeuvre, multi-primée, est considérée par beaucoup comme une des toutes meilleures sagas d’epic fantasy jamais écrites. Né le 7 octobre 1959 à Toronto, au Canada, il a grandi à Winnipeg puis alterné son lieu de résidence entre son pays de naissance et l’Angleterre dont sa femme est originaire. Nominé pour le World Fantasy Award 2000. Classé dans le New York Times bestsellers 2011.

15 commentaires

  1. J’ai toujours le tome 3 qui attend sagement mais j’ai tellement aimé le 2 que j’ai envie de sauter directement à ce quatrième volume 😉 Ça a l’air prometteur en tout cas, reste à prendre son courage à deux mains !

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  2. « Ayant lu ledit tome en août 2019, et au vu la profusion d’intrigues et de personnages, j’ai commencé par le relire (893 pages grand format !) avant de passer à l’objet de cet article » –> LE FOU!!!!!!!!!! 🤯🤯
    Bon, merci d’ouvrir la voie avec cette série. J’espère marcher dans tes pas un jour.

    Aimé par 1 personne

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