Mordred – Justine Niogret

Mordred Justine Niogret

Présentation

J’étais un peu inquiet avant de commencer la lecture de ce nouveau livre de Justine Niogret. Chien du Heaume m’avait plu, mais Mordre le bouclier nettement moins, et je n’avais pas aimé sa nouvelle dans l’Anthologie Reines et Dragons. Enfin, les passages que j’avais parcouru de son post-apo Gueule de Truie m’avait largement dissuadés de l’acheter. Retour à la fantasy, ou du moins au médiéval, cette fois, avec ce récit dédié au chevalier félon Mordred.

Résumé (source éditeur)

Oyez la sinistre et triste histoire de Mordred, le chevalier renégat.

La légende veut que Mordred, fruit des amours incestueuses d’Arthur et de sa sœur Morgause, soit un traître, un fou, un assassin. Mais ce que l’on appelle trahison ne serait-il pas un sacrifice ?
Alité après une terrible blessure reçue lors d’une joute, Mordred rêve nuit après nuit pour échapper à la douleur. Il rêve de la douceur de son enfance enfuie, du fracas de ses premiers combats, de sa solitude au sein des chevaliers. Et de ses nombreuses heures passées auprès d’Arthur, du difficile apprentissage de son métier des armes et de l’amour filial. Jusqu’à ce que le guérisseur parvienne à le soigner de ses maux, et qu’il puisse enfin accomplir son destin.

Dans sa langue forgée aux fers des batailles et polie aux songes, Justine Niogret livre un récit initiatique à la fois pudique et violent. Saluée par la critique comme l’une des voix les plus originales de la fantasy française, elle a obtenu de nombreux prix littéraires (Grand Prix de l’Imaginaire, Prix des Imaginales, Prix européen des Utopiales) pour Chien du Heaume et Mordre le bouclier.

L’Auteur (source éditeur)

Née dans les années 1980, Justine Niogret est devenue l’une des voix incontournables des littératures françaises de l’imaginaire. Après avoir écrit quelques nouvelles, c’est avec Chien du heaume, son premier roman, qu’elle est publiée aux Éditions Mnémos en 2009. C’est la révélation et elle enchaîne les prix : Prix Imaginales, Grand Prix de l’Imaginaire – Étonnants Voyageurs, prix des Utopiales et prix Elbakin pour Mordre le bouclier.

Férue de Moyen-Âge, comme en témoigne l’univers âpre et sans merci qu’elle décrit dans ses romans, elle est aussi passionnée d’histoire, de reconstitution, de forge, d’armes blanches, de jeux de rôle et de jeux vidéo.

Remarquée pour sa langue ciselée et percutante, Justine Niogret entraîne le lecteur dans ses mondes à la noirceur lumineuse et à l’onirisme cru.

Mon avis

Comme tout le monde, ou presque, j’ai quelques réminiscences au sujet du cycle arthurien, de la Table Ronde, mais le personnage de Mordred m’était pourtant largement inconnu. Il existe plusieurs versions de sa légende, et Justine Niogret la revisite à sa façon.

Récit introspectif, Mordred le chevalier, blessé lors d’un tournoi, se remémore sa jeunesse et son passé. Bien moins épique que dans les contes, les origines de Mordred sont plus simples et terre-à-terre. Élevé par sa mère Morgause (la soeur de la fée Morgane qui n’est même pas évoquée ici), dans une petite maison à la campagne, Mordred est un enfant des bois, solitaire et introspectif. Son oncle, ou peut-être son père, Arthur, vient un jour le chercher pour l’emmener à la cour. Là encore, pas de fioritures ni de longues descriptions, on est dans un récit minimaliste, sans être âpre pour autant. Mais bien loin de l’image que l’on peut se faire du roi Arthur, ou de Camelot. D’ailleurs, pas de mention non plus de Merlin, comme si Justine Niogret avait volontairement gommé toute trace de fantasy – pour revenir aux sources de la légende ? – et se concentrer sur les personnages.

Les souvenirs et les motivations de Mordred sont donc explorés en détail, sa maladie et son incapacité à bouger (ainsi que ses médicaments) le condamnant à ressasser son passé. Et alors que je craignais des longueurs introspectives susceptibles de me faire lâcher le livre, j’ai été agréablement surpris par le rythme de l’ensemble. Il faut dire que le roman est court, moins de 200 pages, les chapitres également, et qu’au final ajouter des pages aurait ralenti le récit en diluant son intensité (principal reproche que je faisais à Mordre le Bouclier, d’ailleurs).

L’intérêt se maintient donc, les motivations de Mordred justifient ses actes, et j’ai vraiment beaucoup aimé cette montée en puissance vers une conclusion dramatique mais finalement logique, ou en tout cas compréhensible. Justine Niogret utilise une écriture sensible, économe mais puissante pour réhabiliter, ou du moins essayer de comprendre, ce Mordred qui devient un personnage attachant. Une belle réussite.

A lire aussi les avis de : BlackwolfRSFblogMonstres et Merveilles – Naufragés Volontaires – Cornwall – Tigger Lilly – Lune – La Magie des Mots – Lorhkan

Une lecture qui participe au challenge Francofou

challenge lecture francofou

17 commentaires

    • C’est vrai, d’un autre côté j’avais reproché à « Mordre le bouclier » de trop diluer les choses, donc le risque de quelques pages supplémentaires aurait été de perdre de son intensité. Un dosage pas facile !

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  1. Je l’ai lu et je lui trouve une certaine communauté avec le Même pas Mort de Jaworsky. Mais si ce dernier fait de la fantasy de manière extrêmement littéraire, Niogret faisant de la littérature à partir d’un sujet fantasy .
    Je ne sais pas si je suis clair dans cette distinction, mais j’ai eu l’impression à la lecture que la chanson arthurienne était plutôt un prétexte à un sujet plus classique soit le bilan d’une vie et les justifications quant aux actes commis.Par contre, ce que l’on perd en épique, on le gagne en écriture, et si Mordred vaut le détour, c’est à mon avis surtout pour la très belle plume de Niogret d’autant que, et tu le soulignes bien, le récit est plutôt resserré.

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    • Oui je vois ce que tu veux dire. En effet, Niogret est partie de la légende mais en gommant ce qui était fantasy pour se recentrer sur les personnages et leurs sentiments.
      Et pour le coup, l’économie de texte rend la lecture dense mais plus intense.

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  2. J’ai aussi apprécié la réhabilitation que fait Niogret de Mordred, on comprend enfin ses motivations et le pourquoi de son geste. On laisse de côté le gamour pour entrer dans le « vrai », la douleur, la déchéance… Et la plume incisive de l’auteur rend bien compte de ça.

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