Les Chevaux Célestes – Guy Gavriel Kay

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Il y a 4 ans, je me rendais à Nantes, aux Utopiales (compte-rendu à lire ici) , dont l’invité d’honneur cette année-là était le canadien Guy Gavriel Kay. J’en avais entendu parler mais sans rien lire de lui, et j’ai assisté à une conférence très intéressante où il parlait notamment de son rapport à l’histoire. Kay revisite en effet certaines périodes historiques et y ajoute un soupçon de fantastique ou de magie, mais cela reste (si j’ai bien suivi) très léger. Lors d’une séance de dédicaces qui suivait, j’ai choisi d’acheter Les Chevaux Célestes qui avait de très bons retours et me permettait de sortir de ma zone de confort en partant visiter la Chine antique. Une période historique que je ne connais quasiment pas et une région qui inspire assez peu les romanciers de fantasy par rapport à la satanée Europe médiévale.

Résumé

(source éditeur)

On donne à un homme un coursier de Sardie pour le récompenser immensément. On lui en donne quatre ou cinq pour l’élever au-dessus de ses pairs, lui faire tutoyer l’élite – et lui valoir la jalousie, parfois mortelle, de ceux qui montent les chevaux des steppes. L’impératrice consort du Tagur venait de lui accorder deux cent cinquante chevaux célestes. A lui, Shen Tai, fils cadet du général Shen Gao, en reconnaissance de son courage, de sa dévotion et de l’honneur rendu aux morts de la bataille du Kuala Nor.

 » On me tuera pour s’en emparer. On me réduira en charpie pour mettre la main sur ces chevaux avant même que j’aie regagné la capitale.  »

Deux cent cinquante sardiens, introduits par son entremise dans un empire qui éprouvait pour ces montures un désir insatiable, qui gravait à leur image des blocs de jade et d’ivoire, qui associait les mots de ses poètes au tonnerre de leurs sabots mythiques. Le monde vous offre parfois du poison dans une coupe incrustée de pierreries, ou alors des présents stupéfiants. Il n’est pas toujours facile de distinguer l’un de l’autre.

Il est une forme de fantasy dont le Canadien Guy Gavriel Kay est le maître incontesté. Entre la Provence médiévale de La Chanson d’Arbonne, l’Espagne de la Reconquista des Lions d’Al-Rassan, l’empire byzantin de La Mosaïque de Sarance, il revisite l’histoire sous une coloration fantastique et l’imprègne de son lyrisme mélancolique si particulier. Les Chevaux célestes s’inspire de la Chine du Ville siècle sous la dynastie des Tang.

Editeur : L’Atalante – Traduction : Mikael Cabon – Date de parution : 19/06/2014 – 654 pages

L’Auteur

(source éditeur)

Guy Gavriel Kay est né en Saskatchewan, au Canada, en 1954. Après des études de philosophie, il séjourne en Angleterre et travaille avec Christopher Tolkien sur l’édition posthume du Silmarillion de J. R. R. Tolkien. De retour au Canada, il poursuit des études de droit à l’université de Toronto et devient avocat au barreau d’Ontario en 1981. Scénariste de The Scales of Justice, une série produite par le réseau anglais de Radio Canada, G. G. Kay publie en 1984 La Tapisserie de Fionavar, trilogie de fantasy écrite en réaction à la dégradation du genre, qui rencontre un succès immédiat. Ont suivi Tigane, La Chanson d’Arbonne et Les Lions d’Al-Rassan, trois romans de fantasy historique, inspirés respectivement de l’Italie, de la France et de l’Espagne de l’époque médiévale. G. G. Kay est aujourd’hui considéré comme l’un des écrivains majeurs de fantasy. Il vit actuellement à Toronto.

Mon avis

Comme dit plus haut, je ne connais que peu la Chine (antique ou pas, d’ailleurs) mis à part, comme tout le monde, un minimum d’informations qui est parfois déformé par le regard occidental qu’on peut porter dessus. Alors bien sûr, l’action de Les Chevaux Célestes ne se déroule pas en Chine, mais Kay s’en est tellement inspiré que le lecteur n’en est pas dupe (et d’ailleurs l’auteur ne cherche en fait pas à faire croire autre chose). Classé en fantasy, l’oeuvre en relève très peu, avis donc aux amateurs de boules de feu et autres épées magiques, vous ne les trouverez pas ici et les dragons, s’ils sont présents dans le folklore chinois, ne sont pas des créatures mythiques ! Et quand je parle d’action, là aussi, il ne faut pas s’attendre à des pages et des pages de combats épiques car s’il y en a bien quelques scènes, elles ne sont pas au coeur du récit, tant la violence passe plutôt par des dialogues acérés ou des actes plus banals mais tout aussi décisifs.

Direction donc un empire glorieux, la Kitai (la Chine), où le jeune Shen Tai est en deuil de son père, le général Shen Gao. L’honneur et la tradition lui commandent d’honorer la mémoire du défunt et il le fait en se rendant sur le site d’une bataille que la paternel a mené contre le royaume voisin, le Targur (Tibet). Là gisent des milliers de cadavres à qui Shen Tao entreprend de commencer à donner une sépulture décente. Son action, connue et respectée de tous, parvient aux oreilles de l’impératrice du Targur, qui se trouve être une princesse de Kitai, « mariée diplomatiquement » à l’ancien ennemi. Et comme les puissants disposent de ressources illimitées et sont déconnectés de la réalité du petit peuple, elle offre 250 chevaux à Shen Tao. Un cadeau qui pourrait paraître, certes généreux mais assez banal par ailleurs. Sauf qu’en Kitai, ces chevaux, venus de la Sardie voisine, ont une valeur immense, dans un pays où les distances sont immenses et où les races équestres locales sont loin de rivaliser avec ces chevaux « célestes » donnant également un avantage décisif à l’armée.

Que faire de ce cadeau que Shen Tao, forcément, ne peut pas garder pour lui ? L’offrir au plus offrant ? Suivre l’honneur et le donner à l’empereur de Kitai ? Shen Tao va se retrouver l’objet de toutes les convoitises entre les factions qui sont au pouvoir et celles qui aimeraient s’en approcher – ou s’en emparer. Et il va déjouer de justesse une tentative d’assassinat alors même que la nouvelle du don qu’il a reçu ne s’est pas encore répandue…

Je n’en dévoilerai pas plus mais j’ai vraiment apprécié cette plongée dans un univers ancien où le fantastique est plus présent par les légendes et les superstitions qu’en « réalité » (on peut compter sur les doigts d’une demi-main les scènes ou personnages qui relèvent vraiment de l’Imaginaire !). Ainsi, la société médiévale locale est décrite avec précision. Les nobles sont souvent implacables et n’hésitent pas à faire bastonner leurs serviteurs (enfin, les chanceux, ceux à qui on ne demande pas de s’ôter la vie…). L’honneur et la tradition sont omniprésents, de même que les arts, à commencer par la poésie – d’ailleurs un proche du héros est un poète – ou la musique (la plupart des femmes jouent du pipa, le luth chinois et les hommes se pâment à les écouter jouer et chanter, tout en sirotant force boissons alcoolisées).

D’ailleurs, les personnages féminins ont des caractères forts, et manœuvrent souvent les hommes dans l’ombre, que ce soit en les charmant (avec mention spéciale à la jeune et troublante impératrice, une des plus belles femmes au monde) ou par leurs actions, comme la soldate qui va accompagner Shen Tao et se révéler pleine de surprises, et pas toujours bien docile ! Si elles sont souvent considérées comme des objets ou des outils par les hommes, elles trouvent parfois un moyen d’influer sur leur destin ou de se venger. J’adresse aussi une mention spéciale aux dialogues ciselés, je me suis en effet repris plusieurs fois à les relire pour être sûr de bien comprendre les subtilités que Kay y avait glissé, c’est en effet un régal avec une économie de moyens qui atteint la perfection.

Vous l’aurez compris, j’ai été conquis par ce roman et me suis régalé avec les plus de 600 pages de cette histoire, d’autant que L’Atalante l’accompagne d’une édition agréable avec une superbe couverture à rabats et un beau papier épais. Je n’ai maintenant qu’une hâte, relire du Guy Gavriel Kay. S’il existe bien une « suite » qui se déroule des centaines d’années plus tard, je me pencherai plutôt dans un premier temps sur les plébiscités Lions d’Al-Rassan.

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15 commentaires

  1. Merci pour cette chronique détaillée et enthousiasmante! Je n’ai pas aimé Fionavar, mais l’auteur me tente quand même. Je pense que je lirai les Lions d’Al-Rassan car j’ai travaillé sur le califat de Cordoue dans une traduction il y a quelques années, ça m’avait donné envie.

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  2. Je suis vraiment heureuse que tu aies autant aimé ce roman. Ce fut un régal pour moi, et mon premier contact avec Kay. J’étais conquise.
    Depuis, j’ai une préférence pour ces fantasy qui ne sont tellement flamboyante, mais qui offre un background formidable, tout comme une ambiance unique.

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