Je Suis Fille De Rage – Jean-Laurent Del Socorro

De Jean-Laurent Del Socorro, j’avais lu Royaume de Vent et de Colères et Boudicca, que j’avais apprécié, il était donc logique que j’attende la sortie de son nouvel opus avec impatience. Et comme ActuSF a eu la bonne idée d’en faire une édition collector, c’est encore mieux !

Résumé

(source éditeur)

1861 : la guerre de Sécession commence. À la Maison Blanche, un huis clos oppose Abraham Lincoln à la Mort elle-même. Le président doit mettre un terme au conflit au plus vite, mais aussi à l’esclavage, car la Faucheuse tient le compte de chaque mort qui tombe. Militaires, affranchis, forceurs de blocus, politiciens, comédiens, poètes… Traversez cette épopée pour la liberté aux côtés de ceux qui la vivent, comme autant de portraits de cette Amérique déchirée par la guerre civile.

Editeur : ActuSF – Date de parution : 11/10/2019 – 350 pages

L’Auteur

(d’après source éditeur)

Avant d’être un auteur, Jean-Laurent Del Socorro est d’abord et surtout un lecteur passionné. Il publie sa première nouvelle « La Mère des mondes » en numérique aux éditions Le Bélial’.
Son premier roman, Royaume de vent et de colères publié aux Éditions Actusf, est un récit de fantasy historique prenant pour cadre Marseille pendant les guerres de Religion, et qui a reçu en 2015 le prix Elbakin.net du meilleur roman de fantasy français.
Son second roman, Boudicca, est la biographie onirique d’une reine celte, figure historique de la résistance anglaise en l’an I contre l’Empire romain.

Mon avis

Lors des Rencontres de Sèvres, j’ai eu la chance de pouvoir discuter un peu avec Jean-Laurent Del Socorro et nous avons plaisanté sur le fait que la Guerre de Sécession américaine (leur Civil War) est peu connue et représentée en France, à l’exception notable de la BD des… Tuniques Bleues ! Je me rappelle aussi avoir joué enfant avec des figurines plastique des deux camps (et quelques indiens…) et surtout avec une réplique de mitrailleuse Gatling !

C’est ce cadre historique que l’auteur a choisi pour y situer Je Suis Fille De Rage. un ouvrage à la frontière entre l’histoire et le fantastique puisqu’il met en scène le président Lincoln, début 1861, subissant les moqueries de la Mort en personne. Il est le seul à la voir, et celle-ci se délecte d’avance du tribut que la guerre va lui apporter, en traçant des bâtonnets à la craie sur les murs du bureau présidentiel à chaque nouvelle victime.

Outre cet aspect fantastique, qui revient sous forme d’interlude pendant les quatre années du conflit, le reste du texte est historique et nous dépeint plusieurs destins, indépendants ou mêlés, dans un récit choral d’une grande limpidité. L’auteur a en effet mis en place un système de codage et de mise en page qui permet de naviguer entre les deux camps et les différents fronts du conflit..

Les chapitres ne commencent pas par le nom du personnage mis en scène, mais par une phrase qualificative « Le Général qui ne conte pas ses morts », « La Capitaine qui force le destin », « L’officier qui lutte contre la folie », « La fille qui n’a plus de père »… On y croisera de simples soldats ou des généraux, des nordistes comme des sudistes bien sûr, des riches comme des pauvres, des pacifistes comme des va-t-en-guerre, des esclaves se battant pour leur liberté (mais si leur affranchissement n’a pas toujours été au coeur de la guerre)… Et toujours des personnages attachants, bien campés et écrits, avec un parcours qui fait sens quelque soit ce qu’on peut penser d’eux. En filigrane, Del Socorro y traite logiquement de racisme, mais aussi de féminisme et d’homosexualité en intégrant ces thèmes de façon réussie.

Certes, « la fille de rage » n’est pas si présente que ça, mais son parcours résume un peu le conflit : une sudiste qui prend conscience des injustice, lève les armes pour le nord abolitionniste, craignant ou espérant à chaque tir tuer son frère ou son père restés dans le camp d’en face, une femme au cœur d’une guerre profondément masculine. On notera aussi quelques passages plus humoristiques sous forme de clins d’œils, le plus notable étant pour Autant en emporte le vent !

Accompagné d’archives réelles traduites par l’auteur lui-même (extraits de journaux ou de lettres des protagonistes), Je Suis Fille De Rage se révèle fluide et facile à lire malgré le grand nombre de personnages et de lieux. Les dialogues entre la Mort et Lincoln sont glaçants et saisissants, montrant bien la difficulté des décisions et des errements du Président quand tant de vies sont en jeu. Peu importe que le fantastique soit réduit à ces échanges, tant les personnages sont bien écrits, et leur destin palpitant à suivre au cours de cette guerre fratricide dont les thématiques, malheureusement, sont toujours d’actualité.

Un petit mot sur la superbe édition collector, avec couverture cartonnée, tranchefile en tissu et signet, un bien bel écrin pour un bien beau récit.

D’autres avis : Les Chroniques du Chroniqueur – Le Bibliocosme (Dionysos) – Le Dragon Galactique – Au pays des caves trolls – Le Monde d’Elhyandra – Ombrebones – Yuyine – L‘Imaginaerum de Symphonie – …